Éducation à la sexualité. Faire l’amour s’apprend-il ?
Éducation à la sexualité
Faire l’amour, cela s’apprend-il ???
Laurent Certain
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Quand on parle de l’éducation sexuelle, on l’associe immanquablement aux cours de sciences-nat du collège.
Est-on vraiment sûr qu’il s’agissait réellement d’éducation sexuelle ?
Est-on vraiment sûr que l’éducation sexuelle doive se limiter aux ados ?
Les adultes n’en auraient-ils pas, eux aussi, besoin ?
Il y a-t-il réellement nécessité de s’éduquer dans ce domaine ?
La sexualité n’est-elle pas innée ?
Il en est de la sexualité comme de la danse. Si certains, qui possèdent le sens du rythme et du mouvement, dansent comme ils respirent, d’autres en revanche, doivent apprendre à bouger et à enchaîner les pas.
On ne devrait jamais avoir honte d’apprendre ce qu’on ne sait pas… si demain vous vouliez vous mettre au violon, rien ne vous semblerait plus logique que de demander à un violoniste de vous montrer comment s’en servir ? Cela vaut d’ailleurs pour la plupart des choses, de la lecture au golf en passant par les mathématiques !
Malheureusement, ce qui vaut pour à peu prés tout, fait exception pour la sexualité… sous prétexte qu’on sait comment « faire les bébés », nous partons du principe que nous DEVONS savoir faire l’amour, prendre du plaisir et en donner à l’autre ! Pourtant vous avez bien conscience que si vous savez écrire, vous n’êtes pas pour autant un écrivain, ni à fortiori Musset ou Balzac ! Alors ?
Alors c’est peut être que nous ne voyons la sexualité qu’ à travers le prisme de notre orgueil et de la performance. C’est dommage.
Il faut bien se rendre à l’évidence, rien (ou si peu) n’est fait pour nous donner les clés d’une sexualité épanouie.
L’éducation sexuelle au collège
Je ne sais pas vous, mais moi je m’en rappelle bien ! c’était en 6ème.
Lorsqu’en début d’année notre prof de sciences naturelles nous a distribué les livres, nous avons découvert, encarté au milieu des pages, un petit livret blanc très discret. Sur ce livret, en lettres noires, un titre : « La reproduction des vertébrés ».
J’en déduis aujourd’hui que si ce petit livret était « volant » au lieu de faire l’objet d’un chapitre dûment agrafé dans le manuel, c’est que cette leçon devait être optionnelle ? Je suppose qu’on devait laisser au prof ou au chef établissement, le soin de juger s’il était opportun ou pas de nous parler de la « reproduction des vertébrés » ! auquel cas, le livret disparaissait du bouquin de Sciences.
Mais au collège Maurice Ravel, on devait être progressiste, le livret était là !
C’est donc les yeux brillants et le rouge aux joues, que nous nous sommes empressés d’ouvrir le livret en gloussant !
La seule chose « émoustillante », consistait en 6 pauvres petits dessins représentant un homme et une femme nus, à l’age de 9 ans, 15 ans et adultes. Le summum de l’érotisme était que l’aquarelliste amateur qui avait réalisé l’œuvre, avait figuré les poils de la jeune fille et de la dame ! Voilà pour l’anecdote autobiographique et pour planter le décor.
À part ça, que contenait ce fascicule qu’on nous avait présenté comme de l’éducation sexuelle ?
Des schémas de l’appareil reproducteur de l’homme et de la femme, en coupe et de toutes les couleurs. Une photo d’ovule et une de spermatozoïde. Un chapitre sur le cycle féminin, un autre sur la gestation. Enfin un autre très court sur la contraception. Point. Notre éducation sexuelle était faite ! Madame Legris pouvait respirer, elle n’aurait plus à nous parler du zizi et de la zézette !
Voilà donc, ce qu’on baptisait « éducation sexuelle », n’était rien d’autre que de l’anatomie, de la physiologie et de la prophylaxie. Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu une seule fois le mot « plaisir » dans ces cours.
Existe-t-il d’autres voies d’information et d’apprentissage ?
La famille. C’est effectivement la première chose qui nous vient à l’esprit. Pour autant je ne suis pas convaincu que les parents soient les mieux placés pour tenir ce rôle, tout au moins pour sortir des notions de base apprises au collège.
Les ados peuvent avoir des interrogations autrement plus pointues et engagées que... le cycle menstruel ! Ils peuvent se poser des questions « techniques » sur certaines pratiques glanées sur les sites de X. Même si les parents sont assez libres, ce n’est pas ni simple ni très naturel de débattre avec ses enfants de la sodomie, du fist fucking ou de l’éjaculation faciale !
En admettant que l’ado ose seulement poser ces questions et que les parents sachent y répondre, je ne suis pas sûr que l’expertise (donc possiblement l’aveu de la pratique) de Maman ou Papa soit très bien vécue par l’ado...
Les copains. Le bon copain pourrait en théorie faire le job. En théorie seulement, car ce serait sans compter sur cette injonction à la performance qui l’empercherait peut-être d’avouer que lui non plus ne sait pas ! Pour sauver la face on fait « comme si » et on invente.
Les vidéos X. Là nous touchons à un vrai problème… Les sites X sur le Net sont non seulement gratuits mais très faciles d’accès. De surcroît ils peuvent être consultés en toute discrétion sur un téléphone portable. Ce qui pose problème n’est pas tant qu’un ado puisse avoir accès à du contenu X, mais bien le contenu lui même. Le X met en scène des pratiques et des comportements qui ne sont pas toujours les plus habituels, nous sommes à la limite du fantasme mis en scène par des acteurs. Mise en scène qui permet ainsi au consommateur de vivre l’acte sexuel par procuration.
Mais qu’il s’agisse d’ados ou d’adultes, le X n’est pas à conseiller comme support pédagogique !
Enfin les sexothérapeutes et sexologues, en consultation ou en ligne... c’est leur métier.
L’éducation sexuelle pour... les adultes ???
On voudrait croire que l’éducation sexuelle se limite au public adolescent, aux jeunes qui n’ont jamais eu de rapports sexuels et ne savent pas comment s’y prendre...c’est une grosse erreur.
Bien sûr les problématiques et les questionnements ne sont pas les mêmes chez l’ado et chez l’adulte. Là ou l’adolescent se trouve face à l’inconnu, à un monde dont il n’a pas les clés, l’adulte lui, est plus souvent confronté au problème voire à l’échec.
Qu’un adulte puisse être en questionnement voire désemparé n’a finalement rien de surprenant. Les informations qu’il n’a pas eu étant ado, il y a peu de chances qu’il les ait obtenues « par magie » devenu adulte ! Avec un peu de chance, peut être aura-t-il croisé des partenaires plus expérimenté(e)s ? mais ce n’est pas toujours le cas.
Ce qui le plus souvent nous empêche nous adultes, d’accéder à plus de connaissances dans ce domaine, sont la fierté et l’orgueil.
Contrairement à d’autres savoirs comme le sport, la musique ou la cuisine, pour lesquels nous n’avons aucun problème à nous faire conseiller, la sexualité échappe à la règle. Nous continuons à la voir comme quelque chose de supposé inné, une qualité dont l’absence est vécue comme un échec. Pour bien faire comprendre à quel point ce raisonnement est erroné, nous pourrions faire un parallèle avec la musique : c’est un peu comme si, n’ayant jamais touché un violoncelle, vous ressentiez de la honte et un sentiment d’échec, de ne pas être... Rostropovitch !
Cette injonction à la performance et notre fierté imbécile, font énormément de dégâts, que nous soyons en couple ou célibataires.
- Dans le couple, cette méconnaissance peut nous conduire à l’ennui, à l’incompréhension et même au conflit. L’insatisfaction sexuelle rejaillit souvent sur le quotidien, elle peut détruire peu à peu notre complicité et notre joie de vivre.
- Chez les célibataires, cette conscience de « ne pas savoir », peut générer des peurs et des complexes (peur de n’être pas à la hauteur, complexe d’infériorité) et empêcher (saboter) les rencontres amoureuses.
Cette peur peut facilement se transformer en manque de confiance en soi et gangrener bien d’autres aspects de notre vie (rapports sociaux, vie professionnelle…).
Mon but n’est pas ici de noircir le tableau. Je ne veux effrayer personne ni me montrer catastrophiste ! Je veux simplement mettre en lumière ce possible « effet papillon » d’un comportement qui au départ, peut sembler sans importance.
Retour d’expérience
Je reçois en consultation aussi bien des couples que des personnes seules, les problématiques sont diverses et variées, elles concernent aussi bien le fonctionnement du coupe (routine, conflits, adultère…) que des problèmes individuels ou jugés comme tels (dysfonction érectile, éjaculation précoce, lâcher-prise, libido…).
Pour autant deux facteurs sont souvent le dénominateur commun à ces problèmes :
- l’incapacité à communiquer, la communication maladroite.
- la méconnaissance en fait de sexualité.
Cette méconnaissance s’étend de l’anatomie (on ne connaît que très mal son corps et à plus forte raison celui de l’autre !), à la physiologie (que se passe-t-il dans notre corps?) en passant par la psychologie dans le rapport sexuel.
On s’interroge également sur certaines pratiques ou certaines « techniques », questions qu’on n’a d’ailleurs pas toujours osé aborder au sein du couple, par pudeur, timidité ou honte.
Au fil de l’entretien, je finis par sentir ce questionnement, ce désir d’avoir des réponses…
Si certains osent poser ces questions, d’autres ne vont pas le faire spontanément malgré leur envie.
J’ai pris l’habitude quand, au fil de la consultation j’en sens le désir, d’ouvrir cette parenthèse de l’éducation sexuelle. La parenthèse en question peut vite devenir un chapitre entier tant les gens profitent de l’occasion qui leur est ENFIN donnée ! La première question posée va ouvrir la porte à beaucoup d’autres. La constatation est toujours la même : « Je pensais qu’il serait beaucoup plus difficile de poser ces questions ! Je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt... ».
Plus tôt, plus tard, peu importe. L’essentiel c’est de le faire et de constater pourquoi... on a bien fait de le faire !
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