Communiquer dans son couple
Communiquer dans son couple
Un exercice pas toujours simple !
Laurent Certain, sexothérapeute
https://g.page/r/CbuLxpMP1KFZEBM/review
On voudrait croire que le couple, cet édifice construit sur les fondations de l’amour, de la complicité et des goûts partagés, est par essence LE lieu où l’échange et la compréhension sont naturels.
On part du principe que 10 ou 15 ans de vie commune suffisent pour qu’on se comprenne à demi mots et qu’on est dispensé de dire les choses. Donc ces fameuses choses, on ne les dit pas…et d’ailleurs, si elles étaient dites, on ne les entendrait sans doute pas d’avantage !
Beaucoup de couples finissent ainsi par fonctionner en « pilotage automatique ». Les « il le sait bien » et les « elle doit bien s’en douter » en arrivent à remplacer l’expression des désirs et des envies. C’est dommage, chacun y perd non seulement cette capacité d’attention et de compréhension envers l’autre, son empathie, mais aussi la complicité, ce ciment essentiel du couple…
C’est grave Docteur ?
Force est de constater que la majorité des couples qui viennent consulter (en accompagnement comme en sexothérapie), n’ont finalement d’autre problème que cette incapacité à communiquer. On pourrait se rassurer et se dire « ah ! Ce n’est que ça ? Ce n’est donc pas si grave alors ! ».
Effectivement ce n’est pas si grave, mais ça n’est pas simple pour autant !
Revoir son mode de communication n’est pas une mince affaire.
Il faut déjà l’ admettre. Admettre que ce qu’on dit ou ce qu’on présume, n’est pas nécessairement le reflet de ce qu’on pense ou ce que pense l’autre .
Il faut aussi réfléchir. Réfléchir à ce qu’on dit et à ce qu’on ne dit pas. Savoir inverser les rôles : « aurais-je envie d’entendre ça de la bouche de l’autre ? », « pourrais-je comprendre si comme moi, l’autre ne me dit pas les choses ? »
Il faut avoir le courage de repartir à zéro, de se débarrasser d’habitudes et de comportements « fossilisés » depuis des années.
Enfin, il faut savoir faire preuve d’humilité, accepter que son point de vue n’est pas obligatoirement celui que l’autre DEVRAIT avoir ! Communiquer c’est partager, ce n’est pas se battre pour faire triompher ses idées.
Une image et des comportements qui nous échappent
Nous sommes souvent de très mauvais juges pour ce qui nous concerne ! Il y a ce que nous pensons laisser voir de nous, ce que nous croyons laisser entendre, ET il y a ce que l’autre perçoit, ce qu’il reçoit.
Lorsque nous délivrons un message,il y a le FOND et il y a la FORME.
Le fond est l’intention, le cœur du message, l’idée, le désir que nous voulons exprimer.
La forme elle, est l’enveloppe, l’ « emballage » que nous choisissons pour délivrer notre message.
Si la plupart du temps le fond du message est clair pour nous (nous savons ce que nous voulons dire), la forme peut nous échapper. Notre attitude, l’expression de notre visage, le ton de notre voix peuvent très bien exprimer le contraire de ce que nous voulons dire ! En gros, notre attitude peut trahir notre intention. C’est souvent de cette « inadéquation » entre la forme et le fond, que naissent l’incompréhension et les conflits qui en découlent.
Si vous dites « je t’aime » à l’autre en vociférant, poings serrés, sourcils froncés et mâchoire crispée, quel message doit il retenir ? l’amour ou la colère ?
Bien sûr cet exemple est très caricatural et peu plausible mais il a le mérite d’être parlant.
Maintenant, descendons d’un cran et imaginons le même « je t’aime » dit d’un ton enjoué, très léger avec une évidente bonne humeur dans la voix. La forme, prise indépendamment du fond, semble agréable et positive… il y a-t-il adéquation pour autant ? Cette jovialité affichée a toutes les chances d’être interprétée par l’autre comme un manque de sincérité.
Peut
être commencez vous à voir que dans la communication il n’y a pas
que l’intention qui compte ? Tant mieux, car ce n’est pas
tout ! Ajoutez à cela que notre attitude corporelle, le ton de
notre voix sont du domaine de l’inné, c’est à dire qu’ils
caractérisent notre personne sans que nous ayons besoin d’y
penser. Cette « image » est ce que vous laissez voir de
vous de prime abord. Qu’on le veuille ou non, cette première
impression que vous donnez à l’autre suffit à vous catégoriser
jusqu’à ce que cet autre veuille bien prendre la peine de
« gratter » un peu pour découvrir qui vous êtes
vraiment !
Par exemple, celui ou celle qui parlera fort,
d’un débit rapide, plaisantera facilement, aura toutes les chances
d’être rangé dans la case « personne superficielle ».
Qu’il soit intérieurement Gandhi ou l’Abbé Pierre, même tarif.
C’est donc la première prise de conscience à avoir : ce que je suis réellement n’est pas forcement visible de façon évidente par l’autre.
La force de l’habitude, l’usage du « tu » et l’oublie du « je » !
Là nous entrons de plain pied dans LE problème d’incommunicabilité du couple.
Nous avons tous cette habitude, lorsque quelque chose ne se passe pas comme on le voudrait au sein du couple, de pointer du doigt ce que l’autre devrait faire pour y remédier.
Au delà du fait qu’on en profite au passage pour s’exonérer de ses propres responsabilités, il se dessine aussi une habitude néfaste : l’emploi quasi systématique du « tu ». Tu devrais, tu pourrais, tu n’es pas…
Car à l’évidence, dans le cadre d’un conflit, le « tu » est rarement assorti de positif. On utilise le « tu » pour signifier à l’autre sa responsabilité pour ne pas dire sa culpabilité. Le « tu » devient vite le marqueur de l’accusation !
Posons nous utilement la question : qu’est ce qui selon moi, caractérise le dysfonctionnement ?
Imaginons tout aussi utilement la réponse : un fonctionnement qui ne me convient pas.
Qui ne ME convient pas. Le « ME » est bien le nœud du problème ! Cela ne ME convient pas, donc TU devrais… vous commencez à entrevoir le paradoxe. Déjà, qui dit que ce qui ne ME convient pas, ne convient pas à l’autre ? Ensuite, en vertu de quoi ce qui ne me convient pas, devrait être changé par l’autre ?
Soyons honnêtes, personne ne peut vivre bien cette mise en accusation. Nous la vivons comme une agression et qui dit agression, dit défense ! Le conflit prend corps. Quelle que soit la légitimité des reproches, ils deviennent inentendables.
La situation serait différente si nous voulions bien substituer le « je » au « tu », et assumer pleinement nos contrariétés, nos désirs, nos peines… « JE préférerais que », « JE serais heureux si », « J’AI de la peine à cause de ».
Avec l’emploi du JE, l’autre n’est plus dans la position du coupable mais bel et bien dans celle du sauveur en capacité d’aider à mon bonheur ! La perspective est toute différente.
Donc n’oubliez jamais que… le TU tue !
Comment amorcer ce changement ?
Nous savons dorénavant ce que nous devons changer dans notre mode de communication, cette première prise de conscience est déjà un grand pas. Mais, de la théorie à la mise en pratique, le fossé est large ! Ça n’est pas simple de se débarrasser des vieilles habitudes et malgré toute notre bonne volonté, le naturel revient souvent au galop.
Quand ces bonnes résolutions seront cooptées par l’un et l’autre, il conviendra donc d’en accepter les possibles « ratés », ces retours inopinés aux mauvaises habitudes, et admettre qu’il ne s’agira pas de mauvaise volonté. Essayons en se débarrassant des reproches, de ne pas en faire naître d’autres... Au contraire, faisons en un jeu, traquons ensemble le « tu qui tue » !
Savoir rire de ses travers, c’est déjà s’en débarrasser un peu !
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