Vous avez dit simulation ?


 

                                             Vous avez dit simulation ?

                                                                  Laurent Certain

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Voila un sujet qui, comme quelques autres dans la sexualité, est souvent abordé un sourire narquois aux lèvres... peut être est-ce une spécificité Française de tourner en dérision tout ce qui a trait à la « contre performance » sexuelle (ou tout au moins jugée comme telle) ? L'imagerie populaire nous a depuis toujours vendu un Français épicurien, spécialiste des choses de l'amour et un brin « porté sur la chose ». Rappelons-nous que la France du XVIII ème siècle a érigé le libertinage en culture... Il s'agirait donc de se montrer dignes de notre glorieux passé !

Rien de bien étonnant qu'avec pareil héritage, nous finissions par croire qu'il n'y a pas de fumée sans feu et que celui qui manque à la réputation nationale, peut être brocardé … le mari trompé est moqué, l'impuissant aussi, le « mauvais amant » lui non plus, n’y échappera pas.


Certains vont se récrier et m'assurer qu'eux, ont depuis longtemps dépassé ces gamineries. Je sais bien que doucement les consciences changent. Il n'empêche que subsistent encore quelques sourires en coin, ceux là même qui vont nous empêcher de parler à cœur ouvert et d'avancer vers une sexualité plus épanouie...



C'est quoi au juste, la simulation ?



La simulation, lorsqu'elle s'entend dans un cadre sexuel, est ce jeu d'acteur qui consiste à reproduire toutes les manifestations comportementales de l'orgasme quand celui ci est absent. Le but est sans équivoque : mentir pour laisser croire à notre partenaire que nous avons atteint l'orgasme.

Ce fameux orgasme, preuve d'un rapport sexuel efficace, performant et surtout... abouti !

Car oui, le nœud du problème se situe bien là : un rapport sexuel digne de ce nom ne peut se conclure QUE par l'orgasme ! C'est du moins ce qu'on s'oblige à croire.



Qui simule ?


Si l'on s'en tient aux sondages, qui dans ce domaine sont à prendre avec circonspection, il semblerait que 2 femmes sur 3 recourent (ou ont déjà eu recours) à la simulation. Les hommes quant à eux seraient 1 sur 2.



Pourquoi simuler ?


Nous avons tous en mémoire les vers de Brassens dans « Quatre-vingt-quinze pour cent » :

« C'est à seule fin que son partenaire
Se croit un amant extraordinaire
Que le coq imbécile et prétentieux perché dessus
Ne soit pas déçu »


C'est amusant, c'est finement écrit et c'est vrai aussi, bien que limitatif. Les raisons sont plus nombreuses et souvent plus complexes aussi.

Si cette injonction à l'orgasme et ce jeu de dupes sont toujours liés à la notion de performance, les motivations peuvent être variées :


  • L'empathie et la bienveillance envers le ou la partenaire. Il s'agit ici de ne pas vexer ou blesser l'autre, de ne pas lui fournir la preuve tangible qu'il est dans l'incapacité de nous apporter un plaisir auquel nous aspirons, voire auquel nous aurions droit. On simule par gentillesse. À noter le cas particulier d'hommes sujets à l’éjaculation tardive (ou éjaculation retardée) qui peuvent avoir recours à ce subterfuge, beaucoup de femmes étant persuadées que l'absence d'éjaculation est due à leur seule maladresse. L'homme cherche donc à déculpabiliser sa partenaire.

  • La tranquillité et la nécessité de se débarrasser du « devoir conjugal ». Il est des gens (des femmes le plus souvent), pour qui l'acte sexuel n'est pas synonyme de plaisir mais d'obligation quasi contractuelle. Ici, soit le plaisir a disparu (par l'usure ou les conflits), soit il n'a jamais vraiment existé (soit par désintérêt, soit par manque de savoir faire du partenaire). Si l'acte est effectivement considéré comme un contrat, comme une obligation nécessaire, il vaut mieux tout faire pour ne pas s'y éterniser ! L'homme est ainsi fait qu'il est assez sensible aux stimuli, l'orgasme de sa partenaire, ses contorsions, ses cris et gémissements feints vont donc... hâter son orgasme à lui ! C'est une technique bien connue des péripatéticiennes ...

  • L'injonction, le sentiment de honte. Honte éprouvée par la personne qui simule parce qu'elle est dans l'incapacité d'accéder à l'orgasme, de répondre aux critères de la norme, qui voudrait que l'acte sexuel se conclut par cette apothéose. D'où le sentiment d'une dysfonction coupable. On fait donc semblant de jouir...

On pourrait parler aussi d' une quatrième raison moins courante et pour le moins dénuée de toute bienveillance : l’intérêt vénal.

Une pratique qui est le fait de femmes qu'on qualifie de « michetoneuses » ou d'hommes qu'on pourrait qualifier de « gigolos ». Ici l'objectif n'est rien moins que tirer parti vénalement parlant, d'une personne à qui « on fait croire que » pour s'attacher ses bonnes grâces. Si j'ai mis cette notion en retrait des autres, c'est que les 3 premières elles, sont subies et ne demanderaient qu'à ne plus exister. La quatrième non, puisque nous sommes dans une manipulation toute volontaire.



Doit-on se résigner à cette habitude ?


Non. Qu'on simule par gentillesse, par devoir conjugal ou par culpabilité, je ne pense pas que la résignation soit vécue sereinement... Tout le monde aimerait vivre une sexualité épanouie, un plaisir vrai et partagé. Les faux semblants et les tricheries, fussent-ils le reflet d'une réelle bienveillance, ne peuvent mener bien loin sur le chemin du bonheur à deux... Arrivera forcement le moment où celui ou celle, qui aura mis son plaisir en sommeil pour toutes ces raisons qui semblaient bonnes, s'en trouvera malheureux et aigri. Il est fort probable qu'il ou elle en viendra même à nourrir un ressentiment pour l'autre. Que ce ressentiment finisse par s'exprimer ouvertement ou pas.



Alors, que faire ?


Parler, partager, éduquer, avancer ensemble !

Si on interrogeait les femmes et les hommes qui s'adonnent à la simulation, je n'ai aucun doute sur le fait que tous sans exception, aspireraient à recevoir du plaisir et à en donner à l'autre. Un plaisir vrai sans simulation.

La question n'est donc plus « que faire ? » mais « pourquoi ne pas le faire ? ». Parce que ça n'est pas simple. Pas simple de se défaire d'une habitude. Pas simple d'avouer des années de mensonges. Pas simple cette peur de faire souffrir l'être aimé...



...et surtout, comment faire ?


Tout le problème est là... imaginez une femme qui aime son partenaire mais qui cumule dix ans de simulation ! Comment avouer que la situation ne lui convient plus, que pendant toutes ces années, elle n'a jamais eu de plaisir et a toujours fait semblant ? L'homme se sentirait blessé deux fois : une première fois en découvrant que la femme qu'il aime et partage sa vie, lui a menti pendant dix ans, une deuxième fois dans son amour propre, dans l'image même de sa virilité. L’étiquette « mauvais amant » n'est pas des plus faciles à porter et tous les mots d'amour ne pourront cicatriser la blessure. Orgueil ? Sans doute, mais l'homme est ainsi fait.


- La première chose à mettre en œuvre est l'emploi de la communication positive. Le but est de faire évoluer la situation, pas de reprocher son comportement à l'autre. C'est en grande partie LA clé de la solution. Si l'homme sent de l'agressivité, des reproches, il y a de fortes chances pour que touché dans son orgueil, il finisse par se fermer et devienne réfractaire, par principe, à toute collaboration.

La base est d'abandonner le TU de l'accusation pour le JE de l'expression de ses désirs.

Plutôt que dire : « TU vas trop vite quand TU me fais l'amour », dites plutôt : « J'aime quand quelquefois NOUS faisons l'amour plus lentement ! JE crois que j'y prends encore plus de plaisir... ». Le message est le même, l'intention aussi, seule la forme change. Ça peut pourtant faire toute la différence !


- La deuxième chose qui peut grandement vous aider, est d'initier un projet commun novateur.

Je m'explique : il n'est pas toujours évident de changer des habitudes installées depuis trop longtemps, à fortiori quand l'un des partenaires devine qu'il est à l'origine du dysfonctionnement. En revanche, décider ensemble d'une nouvelle expérience, d'une nouvelle pratique, permet de repartir sur un terrain vierge de toute habitude. Il suffira de greffer le premier changement sur le deuxième.

Par exemple, si votre partenaire est trop rapide, plutôt qu'essayer de changer les choses au sein même de la routine qui s'est installée, créez un dérivatif. Choisissez une expérience nouvelle pour vous deux : « j'ai toujours rêvé de faire l'amour sur la plage/dans la forêt/sur la table du salon... » ou une nouvelle pratique : « je rêve de faire l'amour les yeux bandés/attachée au lit/habillée en gendarmette... ». Une fois coopté ce nouveau « projet »il ne tiendra qu'à vous d'y adjoindre votre désir premier : faire l'amour LENTEMENT les yeux bandés. À vous de faire prendre conscience du plaisir que vous tirez de cette nouveauté et des bénéfices que votre partenaire pourrait en tirer ! Il n'y aura plus qu'à en faire une nouvelle habitude.


- Enfin, pour certains couples, quand des habitudes sont très installées, il s'avère difficile d'initier le changement seuls,l'unique volonté ne suffit pas toujours. Curieusement, plus les années passent, plus vont s'installer au sein du couple, certaines pudeurs idiotes qui vont nous empêcher « d'oser ». L'intervention d'un thérapeute pourra être salutaire dans cette situation, le changement, en prenant la forme d'une prescription dédouanera le couple de ses audaces nouvelles.



Pour conclure


À moins de vouloir se condamner à une sexualité faite de routine, d'obligations et de non-dits, la simulation ne peut pas, ne doit pas, être considérée comme une solution pour le couple. Cette situation que nous voulons toujours voir comme temporaire, finit souvent par se cristalliser. C'est dommage, surtout quand on sait qu'il suffit souvent d'un peu de bienveillance et de dialogue pour en sortir. Vivre une sexualité épanouie, bâtie sur l'amour, la complicité et la vérité est à la portée de tous dès lors qu'on veut bien s'y essayer ! 

 


 

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